TOURNEE DES PLAGES EN SARDAIGNE
Article paru dans la revue Cyclo-Camping-International n°84 en 2002
Le plus dur dans un voyage, c'est souvent le départ et le retour. Cette fois-ci, c'est au moment d'embarquer à Toulon pour Porto Torres que je fus pris d'un énorme doute. Me retournant pour voir la file de voitures prêtes à embarquer, je ne distinguais aucun touriste, uniquement des italiens semblant être impatients de rentrer chez eux… Devant moi, la situation était particulièrement troublante, deux matelots tentaient tant bien que mal, depuis le quai, de recouvrir de peinture fraîche les tâches de rouille un peu trop visibles sur la coque !! Finalement, je réalisais que je partais en Sardaigne sans avoir pris le temps de me documenter sur cette île, j'allais y passer mes 3 semaines de vacances simplement parce que j'avais trouvé par hasard la carte Michelin à la FNAC. Je commençais déjà presque à regretter de ne pas avoir choisi les Baléares ou à nouveau la Corse. Mais l'heure n'était plus aux interrogations, et c'est par quelques coups de pédales hésitantes que je m'engouffrais dans le ventre du bateau, escorté par des motards surexcités traînant derrière eux un immense drapeau sarde.
Pourtant, dès mes premiers jours en Sardaigne, j'ai été émerveillé par la beauté des plages sur fond de mer transparente ou bleu foncé. Du sable blanc aux côtes rocheuses, de la petite crique inaccessible à l'immense plage de sable, elle vaut bien son surnom d'île " magique ".
Quel plaisir tous les soirs de se baigner dans un endroit toujours différent et paradisiaque. D'autant plus qu'en cette fin d'août le thermomètre atteignait encore allègrement les 36°c à l'ombre (si seulement il pouvait y avoir un peu d'ombre !).

Bardé de crème solaire et la casquette vissée sur la tête, je faisais mes premiers tours de roue sur les routes désertiques du nord ouest de l'île.
La maigre végétation constituée de buissons de ciste, lentisque et cactus (figuier de barbarie) rend illusoire l'espoir de rouler un peu à l'ombre, même le seul palmier européen (la Sardaigne est un des rares endroits où il pousse encore naturellement) est une espèce naine ! Heureusement, dans les villages, les figuiers chargés à cette saison d'énormes figues, sont comme une récompense après quelques heures de route.

Le passage dans les villages impose également une halte systématique au café où le choix des glaces reste un cruel dilemme, même si vous en mangez 2-3 par jour…

L'eau reste un sérieux problème en Sardaigne, surtout en fin d'été après 6 mois de sécheresse, les fontaines sont rares, l'eau du robinet n'est pas toujours potable et ceci parfois même en montagne.
Pour information, voici quelques endroits où il faudra éviter de boire l'eau du robinet : secteur d'Iglesias-San Antioco, l'île di San Pietro, la Maddalena, la côte d'Olbia à Santa Teresa Gallura et plus étonnant également à Nuoro.
Les villages sont souvent espacés d'une dizaine de kilomètres parfois de 20 ou 30, voir même de 40km. Il devient donc illusoire de ne rouler qu'avec un simple bidon de vélo.
J'en ai fait les frais dès le second jour à la sortie d'Alghero où je remplissais copieusement mon unique bidon d'un litre avant d'attaquer en plein midi, sous un soleil de plomb, la magnifique route côtière jusqu'à Bosa, distante de… 45km. Il m'aura fallu finalement 4 heures (!) pour atteindre " la Terre promise ".

Je finissais mon ridicule litre d'eau sur les 15 premiers kilomètres puis continuais encore un dans l'espoir que ma carte Michelin ait oublié d'indiquer des habitations. Illusion perdue, 15km plus loin alors que je me hissais une nouvelle fois à quelques centaines de mètres au-dessus de la mer, à bout de force et complètement déshydraté, je mettais pied à terre laissant tombé négligemment mon vélo pour m'accroupir à l'ombre d'un buisson, bien décidé à ne plus bouger avant la disparition du dernier rayon de soleil. Miraculeusement, un quart d'heure plus tard, tel un mirage, une patrouille de surveillance d'incendie descendait tranquillement dans ma direction. Comprenant immédiatement la situation, ils ouvraient les vannes à l'arrière du camion pour que je m'asperge et me remplissaient d'eau fraîche mon précieux bidon.Le soir à Bosa, en barbotant dans une mer transparente à 26°c, j'avais du mal à croire que 2 heures plus tôt j'avais été prêt à sucer des cailloux pour en récupérer la moindre goutte !
Dès le lendemain et jusqu'à mon retour, j'ai roulé en permanence avec 3 litres et suis devenu "expert" dans la recherche de fontaines.
Si bien qu'un soir, vers Iglesias, après 2-3km de pistes, tout content d'avoir enfin trouvé la fontaine qu'un paysan m'avait patiemment indiquée dans un dialecte plus sarde qu'italien, je décidais de planter ma tente (ou plutôt de la poser, mes sardines ne percent pas le rocher) juste à côté de façon à en profiter pleinement toute la soirée. Malheureusement, j'avais sous estimé l'importance d'un tel point d'eau à proximité d'un village. C'est jusqu'à plus de 22 heures que les habitants sont venus remplir tous leurs bidons, m'obligeant à chaque fois, dans un italien de plus en plus hésitant, à répondre aux questions d'usage. Et la nuit fut courte, puisque le même trafic reprit dès 6 heures le lendemain !
Globalement le contact avec les Sardes fut excellent même si j'en ai maudit quelques uns sur la route.

La réputation des Italiens en voiture n'est plus à faire, le vélo ne représente qu'un petit obstacle qui se doit d'être doublé immédiatement, quelque soit les conditions de la route. Mais ce style de conduite semble tellement naturel chez eux qu'au bout de quelques jours ce sentiment d'insécurité finit presque par disparaître.
En Sardaigne, les voyageurs à vélo sont rares, ce qui laisse les habitants rarement indifférents mais donne plutôt un sentiment de surprise, d'enthousiasme ou parfois d'incompréhension face à de tels touristes.

Comme ce Sarde, gardien d'un barrage hydroélectrique, vivant isolé dans la montagne. Tout d'abord surpris de trouver à la nuit tombée un touriste aussi loin des plages, pris ensuite d'un enthousiasme débordant pour me remplir mes bidons de sa réserve personnelle d'eau potable (j'avais repéré à 1-2 km un endroit sympa pour camper) puis soudainement perplexe lorsqu'il s'aperçoit que ce n'était pas une moto mais un simple vélo et que je voyageais seul. Comment lui faire comprendre que mon plaisir est de passer mes vacances à pédaler sur un vélo ressemblant à un mulet ?
Mais certaines rencontres se font plus simplement, les explications ne sont pas nécessaires, seul un geste de la main ou un sourire permettent de déclencher de la sympathie.
C'est après une matinée brumeuse, laissant sécher patiemment ma toile de tente en retrait de la route, tout en grignotant quelques amandes ramassées près de Nuoro (c'est fou la quantité de nourriture que l'on peut ingurgiter à vélo !), que je suis tombé sur ces deux chasseurs rentrant bredouille, sans la moindre perdrix. Embarrassé d'occuper toute la largeur du chemin (et ceci sur une bonne dizaine de mètres !) je me dépêchais de tout plier lorsqu'ils m'invitèrent à un copieux petit déjeuner à base de charcuterie et arrosé de quelques bières locales, la célèbre Ichnusa (pas terrible…).
Ravis de rencontrer un touriste qui prenait le temps de visiter leur île à vélo, ils étaient curieux de connaître mes premières impressions et l'itinéraire que j'avais choisi pour en faire le tour.
En Sardaigne, le touriste est surtout italien et se concentre pour l'essentiel dans la région d'Alghero (nord ouest) et sur la Costa Smeralda (nord est).
Il faut reconnaître que le principal attrait de cette île est son littoral, 3-4 jours à l'intérieur des terres et dans le massif de Gennargentu sont suffisants pour s'en faire une bonne idée.
Je me suis alors amusé dès les premiers jours, puis tout au long de mon itinéraire, à rechercher des petites plages de rêve pour la soirée, ou parfois pour me rafraîchir en cours de journée.
Puerto di Teulada
Ferme sarde dans le nord de l'île
Cala di principe
Porticciolo et sa tour gênoise
Cala gemelle
Petite chapelle dans le sud de l'Ile
Cala Gonome vers la Cala di Luna
La cala di Luna
Alors voici, en exclusivité le " Best of ", le " Top 10 " de mes plages préférées. Le choix de ces 10 plages est purement subjectif, néanmoins si vous " cyclez " en Sardaigne elles méritent un passage obligé ou même un bon détour. Revers de la médaille, certaines sont très connues et souvent envahies par les locaux le week-end. A la différence des Corses, la plage est une véritable institution pour les Sardes (après être passés à la messe !). La numérotation qui suit correspond à mon ordre de passage sur mon itinéraire et renvoie à la carte jointe.
Porto Teulada - plage de Portu Tramatzu et l'Ile Rossa
1- Spiaggia de Pelosa : au nord de Stintino, face à l'Ile d'Asinara (classée en Parc National et dont l'accès est inerdit, son nom vient d'une espèce locale d'âne blanc, symbole de l'île). Alternance de sable et de rochers sur fond de mer transparente. A éviter le dimanche, c'est un des endroits préférés des habitants de Porto Torres et Sassari. Quelques petites plages avant Stintino sont également très belles et beaucoup plus calmes.

2- Porto Ferro : également très connu des habitants de Sassari et d'Alghero. Son charme vient surtout de sa forme en demi-cercle. Il existe un camping à proximité.

3- Porticciolo : à 3 km au sud de Porto Ferro, beaucoup plus calme, peut-être à cause de son accès moins pratique. Un chemin pédestre bien raide descend dans cette magnifique petite crique dominée par une tour génoise. Un camping a investi les hauteurs.

4- La Grotte de Neptune : je sais, ce n'est pas une plage mais une grotte marine. Il en existe plusieurs en Sardaigne mais celle-ci est incontournable (même si je ne les ai pas toutes visitées !).
Deux accès possibles : en bateau départ de Tramariglio ou pour les courageux, après un bon raidillon qui mène au bout de la route, un escalier vertigineux le long de la falaise vous redescend au niveau de la mer. Cette mer d'une couleur tellement sombre qu'elle risque de vous glacer le sang même en pleine canicule.

5- Porto Teulada, plus précisément celle de Portu Tramatzu, pas très facile d'accès puisqu'il faut passer un camping qui squatte les lieux, alors autant s'y arrêter une ou deux journées. Cette plage est presque " magique " avec son sable blanc, sa mer transparente (évidemment) et pour casser l'horizon une petite île, l'Isola Rossa.
Peut-être ma plage préférée.

6- Le Golf d'Oresi : accessible par une seule route depuis Dorgali avec 6 km de descente sur la Cala Gonome. De là, peu de possibilités, la plupart des plages sont accessibles par bateau dont de nombreuses cartes postales vantent les mérites dans toute la Sardaigne.
Au sud de la Cala Gonome, au bout de la route, un sentier pédestre très rocailleux serpentant dans la garrigue vous emmènera en 3h30 A.R. à la Cala Luna (6), réputée comme la plus belle plage d'Italie, rien que ça ! Mais bien connue des touristes, vous n'y serez pas seul, la plupart seront venus en bateau pour y passer l'après midi (A.R. en bateau environ 20 000 lires, pour les paresseux…).

7 et 8 : la Costa Smeralda (de Baia Sardina à Golfo Aranci), principale zone touristique de la Sardaigne. C'est également le lieu de rendez-vous de la Jet Set italienne avec hôtels de luxe et clubs et vacances. Côte très découpée offrant de nombreuses petites criques toutes plus belles les unes que les autres. Mais leur accès est parfois gêné par la proximité des résidences de vacances dont chacune essaye de s'approprier un petit morceau de plage. Cependant, de nombreux chemins depuis la route principale permettent d'accéder à des petites plages magnifiques.
Mes préférences vont pour :
la Spiaggia di gemelle (7) à Capriccioli au terminus de la route, où deux minuscules plages jumelles donnent une impression d'irréalisme tellement elles semblent parfaites. La proximité d'un hôtel ne gêne pas leur accès.
la Spiaggia di principe (8), à quelques km de la précédente juste avant d'arriver à Romazzino (complexe hôtelier de luxe). Son accès n'est pas indiqué, il vaut mieux demander à des locaux. Sable blanc, mer turquoise, rochers ocres, petites îles au larges… Que dire de plus !
En continuant plus au nord, ne manquez pas les énormes Yachts des milliardaires (pas seulement en lires, mais en dollars !) dans la marina de Porto Cervo, le " St Tropez " italien. Egalement une belle église dominant le port.

9- l'Archipel de la Maddalena : l'île principale est accessible depuis Palau en 20 minutes par ferry (8400 lires A.R.). L'Isola Caprera est reliée à la Maddalena par un pont, pour les autres îlots il n'y a pas de liaisons régulières mais des petites embarcations locales y proposent des excursions pour les touristes (pas testé). Honnêtement, j'ai été un peu déçu par l'île principale, de belles petites plages mais rien de plus que sur la Costa Smeralda. Toutefois, vous pourrez apprécier la magnifique Spalmatore (9) avec son sable rouge mais très connue et rapidement bondée le week-end. Il paraîtrait qu'il y a de splendides petites criques sur l'Isola Caprera après Stagnali mais l'accès est délicat à vélo (non VTT) : longue piste en mauvais état, poussiéreuse avec un passage incessant de touristes en voiture, j'ai abandonné au bout de 5 km !

10- A proximité de Sta Teresa et du Capo Testa, la belle petite plage de Santa Reparata (10) contraste avec une côte sauvage aux allures bretonnes, souvent battue par les vents.
Toute la côte nord est réputée pour la planche à voile, ce qui n'est pas un bon indicateur pour la pratique du vélo ! En Sardaigne, le vent dominant est d'ouest ou nord ouest, assez prononcé et parfois violent sur la côte nord.

Alors pour votre prochaine virée en Sardaigne, n'oubliez pas :
- de prendre de nombreux bidons
- de les remplir dès que possible, ne pas se dire " oh ça pourra attendre la prochaine fontaine ! ".
- de ne pas faire une indigestion de figues ou d'abuser de la bière Ichnusa
- de rajouter à vos 80 kg (plus ?) de bagages habituels, un masque et un tuba pour profiter pleinement de la Grande Bleue.

Localisation du "Best of"
Septembre 2001